regrets | ||
D'avoir trop aimé ma maîtresse Qui ne m'as jamais bien compris J'ai beaucoup souffert et j'ai pris Une haine obscure des caresses D'avoir trop aimé ma maîtresse Et son cœur que je n'ai compris J'en ai méprisé mon esprit Et mon amour et ma jeunesse... ... Comme le temps est passé Notre amour est trépassé Tout est bien... tu m'as quitté En emportant tes caresses Ah qu'aurions-nous fait l'été Dans les mois où l'églantier Jette au cœur des bonds d'ivresse Toi de ta jeune beauté Moi de ma vieille jeunesse. | ||
françois bernouard (1884-1948). Les Regrets à Futile. (1912). |
fin | ||
Posséder dans son lit, longtemps, même maîtresse Me semble un peu pareil à demeurer toujours Dans le même logis. L’esprit prend chaque jour, Au refrain de sa voix un regain de tristesse. Les tableaux sont au mur ; on en a l’habitude Et on ne les voit plus. Les bibelots rangés N’évoquent plus d’envie aux regards étrangers, Et cette vie à deux semble une solitude ! On s’aime en vieux amis qui veulent bien se rendre Un service futile avant de s’endormir. On parle d’une fin mais sans oser agir, Et chaque soir on sent la vieillesse descendre. | ||
françois bernouard (1884-1948). Revue « Schéhérazade ». (décembre 1909). |
la bohémienne | ||
Vielle et laide et bavarde et prétentieuse aussi Elle farde sa bouche afin d’être encore belle Et recherche le vierge adolescent transi Pour mettre en ses pensers l’espérance éternelle. Assise sur la borne à chaque coin de rue, D’une voix contrefaite elle dit le passé Et lorsqu’elle entrevoit la jeunesse accourue Pour boire à sa parole un espoir dépassé, Elle charge ses ans de la gloire infinie Des grecs et des romains et de cent peuples morts, Qui vécurent, amants, de son triste génie Voyant dans leurs espoirs la beauté de son corps. Et cette bohémienne affectueuse et nue Qui tour à tour inspire à la gloire, à l’amour ; Qui montre des tarots où l’on croit voir ses jours Et fit boire à Socrate une infâme cigüe. Ah ! quand tu verras jeune homme, en ta jeunesse, En ton désir fleuri d’un rêve adolescent Fuis son regard trompeur, méprise sa tendresse ; La Vérité est vieille et la Vérité ment. | ||
françois bernouard (1884-1948). Revue « Schéhérazade ». (mars 1911). |