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confection d'un sonnet | ||
I Pour résoudre l'obscur sonnet Qui fermente en ton mésentère De toi suffira-t-il de traire Deux quatrains, deux fois un tercet Selon le dessin qu'en traçait Boileau monté sur Despautère (Six, et sept il est salutaire De compter huit) voyez, ce n'est Rien de plus, et tel le souhaite (Neuf, et dix) le maître poète Avec le maître menuisier ; On assemble, et cheville et rogne, Et Minerve au fond du panier En pénitence grogne, grogne. II Sertir en quatorze vers Selon des règles concises Aux prescriptions précises Le discobole univers, Revers trouble, absurde avers, Esthétiques indécises, Éthiques sur rien assises, Érotiques à l'envers, Toutes aurores qu'on lève, Et toutes bulles qui crèvent, Démons qu'on ne sait bannir, Tout ce qui nous fait maudire La vie et la vient bénir, Tout ce qu'un sonnet doit dire. III Gloire humaine offerte aux vers, Calme extase des églises, Chant des gouffres, chœur des brises, Tout ce que l'orbe univers Roule, angélique ou pervers, Neige au cul des Cydalises, Aubes en fleur, ailes grises, L'empreindre en ce rien de vers, Cœurs déclos, âmes fermées, Cieux qui s'ouvrent, joies, fumées, Ce qui meurt, ce qui renaît, Tout espoir et toute envie, C'est beaucoup pour une vie, C'est assez pour un sonnet. | ||
fagus (1873-1933). Clavecin (1926). |
carolle fleurie | ||
Des fiançailles fleur sur fleur : Voici la Sauge et la Lavande ; Voici la Bruyère des brandes; C'est pour nos haltes sur la lande Où la mer grande boit ses pleurs ; Au fond des neiges nuptiales Voici la Violette frileuse Et ses fourrures, mousses vertes, Blottie en timide amoureuse Que son seul parfum déconcerte : Ainsi vos puretés s'exhalent ; Voici, filleule des hivers Et du printemps la fiancée, La glaciale Primevère; Voici la céleste Pervenche : Et c'est l' amante qui se penche, Vers l'amant tremblant et glacé ; Voici l'alerte Coucou jaune, Chapeau-chinois du messager Avril, qui lustre sa couronne Qu'effeuille mai, dès que fleuronne L'Aubépine, où vient voltiger Ton amour au souffle léger ; Voici la reine Renoncule, Auréole à l'étang qui dort : Pour le crépuscule et l'essor De nos rêves où s'accumule, Tandis que sombre un passé mort, Un avenir d'immense aurore ; Voici l'étoile Marguerite, D'or toute, aux vibrements d'argent Qu'un halo de rubis agite, Qu'iront nos voeux interrogeant : C'est pour les transes que suscitent Les bourrasques d'un sort changeant ; Milliers de prunelles pensives Où s'égouttent des coeurs blessés, Voici, des légendes plaintives, Les Myosotis des délaissés : C'est pour nos coeurs qu'ont traversé Si cuisants deuils pour joies si vives Voici, Veilleuses de Marie, Les fleurs des vierges sans mari, Lampes des veuves palpitant Au catafalque des prairies Quand tinte l'automne expirant : Et c'est pour nos mélancolies ; Et voici le Lys pour l'histoire Du lys qui s'entrouvre vers moi ; Voici la Pensée en mémoire Du soir qui l'a promis à moi; Et voici la Rose en sa gloire, Pour l'autre soir que j'entrevois ! Et voici des Pensées encore : C'est pour que vous pensiez à moi. | ||
fagus (1873-1933). Guirlande à l'épousée (1921). |
ballade de la grande pitié | ||
A Maurice Allem. - Où est Rutebœuf, où Verlaine, Où Touroulde, où François Villon, Tristan l'Hermite, La Fontaine, Jean de Meung et son compagnon, Clément Marot, Pierre Dupont, Alain Chartier, Marie de France, Jean Lorrain, René Ghil, Degron ? Mais, où est la chanson de France ? Où est Laforgue, où est Verlaine, Où sont Stéphane Mallarmé, Rimbaud à l'âme plus qu'humaine, Hello, Cros du Yanki pillé, Signoret, le divin Villiers, Et Jarry, et Tristan Corbière, Georges Périn et Cuvilliez ? Mais on est Charles Baudelaire ? Et, où sont Glatigny, Verlaine Et Maurice de Faramond ? Deubel que but ou Marne ou Seine, Humilis mort sous son haillon, André Gill mort au cabanon, André Chénier, tronche sa tête, Le grand Bruant, et Châtillon, Et ceux dont on ne sait le nom : Où sont-ils, les divins poètes ? envoi - 0 Vierge Marie, espérance De tous les trouveurs de chanson, Les poètes sont en souffrance Et les lys sont à l’abandon : Prends en pitié le beau parler de France ! | ||
fagus (1873-1933). La Muse française (octobre 1930). |