monsieur de la gandara | ||
Monsieur de La Gandara rêve au Luxembourg ; La lune se lève sur le marronnier Et monsieur de La Gandara la regarde ; On entend au loin battre le tambour De garde. Dans la douceur de ce soir printanier Le vent léger transporte une odeur de lilas ; Le sergent de ronde fait sonner ses clefs ; Les couples s'isolent dans les allées Et monsieur de La Gandara qui s'attarde A contempler la couleur rose-thé Des balustrades, A son tour s'en va. De sorte qu'au fond du vieux parc déserté Où le fantassin de la République Veille et s'engourdit, Les belles reines de marbre, Droites et mélancoliques, Restent seules à rêver du temps jadis, Au clair de lune sous les arbres. | ||
tristan klingsor (1874-1966). Humoresques (1921). |
bougival | ||
Tout est chansons : Le poisson bleu fait un ovale Autour de ton bouchon. Par l’accroc de son manteau gris Le ciel montre un lambeau d’azur : Le goujon de cette friture N’est pas encore pris. Et cependant déjà la barque nage Vers le port. Et ton rêve s’enfuit avec ce fin nuage Ourlé de rose et d’or. | ||
tristan klingsor (1874-1966). Revue "Le Divan" (1929). |
schéhérazade | ||
Douce Schéhérazade encor un conte ! Où l’on cueille des bouquets d’Engaddi ou des roses noires d’Endor où se rencontre le magicien d’amour maudit avec Miryamie au jardin, qui dort. Douce Schéhérazade encor un conte ! Où viennent pépier les bengalis en leurs robes adorables d’oiseaux, où l’on rencontre avec leurs cinnors aux airs jolis les couples ennoués des damoiseaux. Douce Schéhérazade encor un conte ! Ou bien où songe en sa forêt d’Orient, comme un mort qui serait paré d’oranger, quelque vieux comte d’Assur ou de Tripoli, souriant dans sa blanche barbe de chanvre léger... | ||
tristan klingsor (1874-1966). Revue "Schéhérazade" (1903). |