![]() |
soirs de province | ||
De famille et d'intimité sans confidence, Le long bourdonnement de guêpe du silence Sont le précieux remède à tes fièvres, Paris ! La vie est bonne et loin des tenaces instances De la faim et du froid, du sommeil et des nuits ; L'heure comme une flaque où du bon soleil luit Luit, et la messe est dite aux fins de pénitence, Nous qu'on n'a pas aimé les soirs des grandes fêtes Et qui marchâmes seuls, pleins de l'amour des choses, Sous les yeux bigarrés des lampions aux faites, Mes frères ! revenons au vieil ennui natal Et sous l'ombrage frais du mail municipal Aimons les contresens de nos métamorphoses. | ||
léon deubel (1879-1913). Sonnets intérieurs (1903). |
azur | ||
Mon rêve pèlerin vers l'azur appareille. Les vents m'ont emporté, léger comme l'abeille, Sous le regard furtif des lointains paradis. Dans l'ombre où les cités pendent comme des fruits, La terre sous mes pieds arrondit sa corbeille. Et le silence, épris de l'heure qui sommeille, S'accoude à la margelle antique de son puits. O charme indéfini des nuits surnaturelles ! Mélodieusement rêvent les chanterelles Des rayons de la lune amante des bergers. Le ciel, entre mes doigts, a des fraîcheurs d'eau vive, Et là-bas, dans l'azur divin de ses vergers, Bombille l'essaim d'or des étoiles pensives. | ||
léon deubel (1879-1913). La Lumière natale (1922). |
ballade d'extrême automne | ||
Au fond des forêts consacrées Par la présence du printemps, Le long des sentes mordorées, Près des sources et des étangs, Mon cœur s'écrie et je l'entends Et c'est comme un appel d'alarme : Ah ! les matins n'ont plus vingt ans. Le jour est long comme une larme. L'automne a repris ses soirées, La neige a donné ses bals blancs. Au sein des foules affairées On vend à cris intermittents Chrysanthèmes couleur d'antans Et la violette de Parme ; Mais les matins n'ont plus vingt ans. Le jour est long comme une larme. En vain les œuvres préparées Et les chefs-d'œuvre miroitants Tendent leurs voiles bigarrées Au grand souffle venu des temps, Ma pensée est lasse et s'étend Comme un guerrier mort sous son arme ; Car les matins n'ont plus vingt ans. Le jour est long comme une larme. envoi O mort grelottante va-t'en Moissonner cette aube sans charme Et semer celle qu'on attend. Le jour est long comme une larme. | ||
léon deubel (1879-1913). Régner (1913). |