stances
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Sur quelles fleurs, quels fruits, ô subtile pensée, Te poses-tu comme une abeille aux ailes d'or ? Du rosier butiné, de la grappe pressée N'épuise pas d'un trait la coupe et le trésor. N'égare pas ton vol aux buissons lourds d'épines, Comme un vaisseau de rêve à des flots étrangers. Ne cherche point l'orgueil des hautaines collines. Le butin de la ruche est au cœur des vergers. Que ton miel odorant, gloire de nos demeures, Garde en parfums discrets la saveur de l'été, Et, au long des hivers, le goût divin des heures Qui furent tout plaisir et délice et clarté. |
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auguste-pierre garnier (1885-1965). La Muse française (1922).
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le jardinier
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Il est l'ami des fleurs et l'hôte du verger. Les arbres, les massifs épars qu'un vent léger Parcourt de longs frissons le saluent au passage. Le jardinier demeure un humble, un simple, un sage. Il suit au long des jours proverbes et raisons. Scrute le ciel, connaît vents, marées et saisons, Et sait que telle rose aux tons de pourpre et d'ambre Qui résiste à l'avril périrait en décembre. Il s'ébaudit devant un fruit inespéré, Sarcle, greffe, échenille et va, vient, affairé, Puis faisant, du jardin aux serres, la navette, Il émonde un poirier ou taille une bavette. |
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auguste-pierre garnier (1885-1965). Les Corneilles sur la tour (1920).
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le bourg
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Bourg petite ville aimable, Où le bourgeois le plus notable A, francs et nets, biens au soleil, Où le plus indigent, pareil Au plus riche, a son toit modeste, Son bois et sa gerbe de reste; Bourg où tout labeur est heureux. Bourg où les enfants sont nombreux Comme aux vergers les fruits d'automne; Bourg paisible où la cloche sonne, Egale, les joies et les deuils; Où l’on trouve encore des seuils Portant blason, date ou devise; Bourg charmant, vieillot, où l'église, Telle une ancienne sous les ans, Semble courber son toit branlant; Où la branche de gui désigne L'auberge, où des murs sous la vigne Et le lierre semblent crouler; O Bourg qui regardes couler, Placide, au bas de la prairie, La rivière étroite et fleurie; O Bourg, toute joie et clarté, Qui, par les soirs chauds de l'été, Allonges sur les routes claires Tes ombres bleutées et légères; Bourg riche en foyers et en nids, Bourg où par l'automne jaunis Les parcs ont des splendeurs nouvelles; O Bourg ancien qui te révèles, Actif, de ferme et bon vouloir, Sache revivre et, sans surseoir, Reprends tes anciennes coutumes, Tes rouets, coiffes et costumes. Tes toits qui fument lentement, Ton accueil sous le ciel clément, Tes bonnes gens qui vont sans hâte A leur tâche et dont rien ne gâte La limpide douceur des yeux. Tes fêtes, tes danses, tes jeux, Ton salut amical, ta grâce Discrète et ton orgueil de race, Tes croyances, ta piété Simple, ton manoir abrité Par le rideau mouvant des hêtres, Tes tuiles rouges, tes fenêtres Ornées de pots de fleurs; reprends. Si tu veux être noble et grand, O Bourg, tes coutumes anciennes. Et s'il te plaît que nous reviennent Ces vertus du bel autrefois, Sache écouter, ô Bourg, les voix Qui partent du cœur de la terre; Penche vers leur divin mystère Ton clair visage du passé, O Bourg, franc, loyal et sensé. Qui, vibrant d'une ardente flamme, Demeures le gardien de l'âme. |
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auguste-pierre garnier (1885-1965). Les Corneilles sur la tour (1920).
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